Le Devoir

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18/08/2017

Foodchain Légumes + Pain magique, le concombre démasqué

Par Jean-Philippe Tastet

Vous m’auriez dit qu’un jour j’écrirais une critique — qui plus est une critique enthousiaste — sur une maison qui ne propose même pas une dizaine de plats, j’aurais douté. Encore plus sur un menu sans le moindre cuisseau de veau ni le plus petit morceau de cuissot de chevreuil, comme disait Prosper. Les temps changent et il ne faut douter de rien. Je vous parle donc de Foodchain Légumes + Pain magique.

Il ne s’agit pas d’un « vrai » restaurant, comme disent les Français, mais si vous aimez les légumes et manquez parfois d’idées sur la façon de varier vos menus légumiers, vous allez adorer Foodchain. Bon, je suis d’accord avec vous, ils auraient pu appeler ça autrement, le français ne manque pas de possibilités, mais vous savez ce que c’est, de nos jours, le branding, le marketing…

Quoi qu’il en soit, cette maison est surprenante à bien des égards pour qui observe tout en savourant l’une des créations de Foodchain : pas de cuisson, pas de vaisselle, pas de pourboire ; on se prend à rêver.

Foodchain est planté en plein coeur du centre-ville, au pied de la Place Ville-Marie, là où les masses laborieuses se rassemblent vers midi en quête de quelque pitance. Un petit local anonyme, discret, aux antipodes de la personnalité de certains de ses fondateurs.

À la tête du groupe à l’origine de cette maison — la liste complète est affichée en devanture —, Charles-Antoine Crête, chef du Montréal Plaza, pour qui le mot hyperactif semble avoir été inventé, et qui se promène en ville depuis des années avec un grand sac plein de très bonnes idées et un entonnoir sur la tête.

Avec son cerveau en surrégime permanent — et celui de deux ou trois autres allumés de la jardinière —, le chef Crête a donc pensé Foodchain. Huit plats de légumes découpés en fines lamelles et servis en un clin d’oeil. Huit mélanges originaux.

La liste étant ce qu’elle est, je peux vous fournir l’intégralité de ce qui vous attend :

 

Foodchain  — betterave, pomme, aneth, oignon vert, sauce citron moutarde

Radis kimchi — chou nappa, échalote, persil, sauce piquante

Chou-rave céleri — fenouil, basilic, sauce hummus

Carotte endive — persil, échalote, sauce raisin sec

Endive poire verte — raisin vert, coriandre, sauce yogourt cumin

Fenouil daikon — lime, coriandre, noix de cajou, sauce wakamé

Chou-fleur champignon — feta, persil, sauce agrumes

Concombre pickle — fromage, menthe, persil, sauce moutarde

 

Chaque proposition élaborée avec grand soin par la maison est servie avec un petit mélange de graines grillées (amande, tournesol, citrouille, sarrasin) et une vinaigrette particulière dans de petits contenants à part.

À cela viennent s’ajouter quelques éléments inoffensifs : petit pain plus ou moins magique et minibrioches sans gluten de chez Hof Kelsten.

Tout est savoureux et on est toujours surpris de sortir de table repu. La moitié des propositions exclut tout produit d’origine animale et six sont sans gluten.

On sort de table également étonné de la vitesse à laquelle la clientèle est servie, deux ou trois minutes si vous arrivez avant l’heure de pointe, une de plus à partir de midi.

Le décor, concocté par Zébulon Perron, offre un confort aussi zébulonesque que spartiate. Une quinzaine de places assises, évidemment très en demande. Beaucoup de clients emportent leur repas dans un tourbillon impressionnant.

Il faut dire que les trancheuses industrielles derrière le grand comptoir fonctionnent à une vitesse étourdissante et contribuent à cette ambiance légèrement survoltée. Fruits et légumes sont débités en un clin d’oeil et les commandes arrivent le temps de le dire.

Le profil de la clientèle est assez intéressant lui aussi : le midi, mélange de jeunes gens professionnels et de messieurs d’un certain âge tentant de contenir une certaine surcharge pondérale dans des costumes de belle coupe. Midi ou soir, à voir l’affluence au comptoir, on sent que le légume gagne du terrain et que les plats préparés par Foodchain plaisent à un nombre croissant de consommateurs.

Au célèbre dicton populaire « beau, bon, pas cher », il faudra ajouter d’autres notions comme « bon pour la santé », « à base de produits locaux » et même « respectueux de l’environnement », les propriétaires visant à proposer très prochainement des emballages 100 % biodégradables.

Je n’ai pas cru utile de demander à Jean Aubry son opinion sur la boisson ; Foodchain vous propose du jus de pomme, du jus de canneberge et une excellente eau bien fraîche.

Ouvert sept jours sur sept de 10 h 30 à 22 h. Pas de téléphone. Les prix varient entre 9 $ et 11 $. Si vous êtes sage et prenez un verre d’eau, ce sera 9 $. Si vous cédez à un moment de folie et choisissez ce qu’il y a de plus cher en ajoutant un jus, un petit pain et une minibrioche, votre repas ne vous aura quand même coûté que 21 $, le maximum et une sorte de miracle de nos jours.
 

Légendes

★ Je regrette de devoir vous en parler
★★ Pas mauvais, mais on n’est pas obligés de s’y précipiter
★★★ Bonne adresse
★★★★ Très bonne adresse
★★★★★ Exceptionnel : cuisine, service, décor

$ Le bonheur pour une vingtaine
$$ Une quarantaine par personne
$$$ Un billet rouge par personne
$$$$ Un billet brun par personne
$$$$$ Le bonheur n’a pas de prix

 

Foodchain Légumes + Pain magique

★★★

1212, avenue McGill College, Montréal, $